Automatismes dispersés

A l’ère des objets connectés, la tendance est à la multiplication de sous-ensembles d’automatismes autonomes, plus proches des installations qu’ils gèrent. Ces postes locaux dialoguent entre eux et gèrent l’ensemble comme le ferait un gros système d’automatisme unique.

Le secteur de l’eau est entré dans le monde 4.0. En effet, là aussi les différents outils savent aujourd’hui communiquer. Les fabricants d’automatismes, qui doivent suivre le marché de près, innovent dans ce sens. Plus besoin de concentrer les équipements dans un seul outil. La tendance n’est plus à proposer des gros systèmes d’automatismes centraux mais des sous-ensembles décentralisés et reliés. L’idée vient d’abord des nouvelles possibilités de communication entre les différents instruments que les fabricants d’automatismes intègrent toujours plus. Il faut dire que cette solution de construire des systèmes d’automatismes adaptés à chaque fonction a de nombreux avantages. Tout d’abord, le client étant roi, les responsables des réseaux d’eaux usées, potables ou industrielles veulent pouvoir répondre à une demande évolutive et vite dépassée. Le cas est particulièrement vrai pour les eaux industrielles. « Le secteur pharmaceutique ou cosmétique doivent aujourd’hui proposer des produits customisés qui ne sont sur le marché que quelques années ou moins, analyse Laurent Damain, chef des ventes en process automation chez Festo. Il leur faut des lignes de production malléables et ajustables. » Ainsi avec des sous-ensembles d’automatismes modulables, ils peuvent s’adapter facilement à différentes productions, dont les besoins en qualité d’eau varient d’un produit à l’autre. Le principe est simple : au lieu d’un gros système, les automatismes sont conçus pour chaque fonction. Les fabricants d’automatismes conçoivent pour l’exploitant le sous-ensemble adapté à son besoin. Ce n’est donc pas une gamme, mais un ensemble de produits connectés qu’ils mettent à disposition. Plutôt qu’un supercontrôleur, on préfèrera des mini-contrôleurs qui vont dialoguer entre eux et faire remonter les données. Les grosses installations vont privilégier les automatismes dispersés, tandis que les petites vont les regrouper au sein d’un ensemble modulaire et évolutif. Les deux systèmes permettent le sur-mesure.

Chaque produit est en mesure d’effectuer de façon isolée l’automatisme d’une partie de l’installation si ce n’est de tout l’ensemble. Ils peuvent par exemple ne gérer qu’un poste de relevage d’une station d’épuration. Leur configuration se fait sur PC avec des logiciels adaptés. Tous possèdent des systèmes de visualisation par écran et des liaisons soit filaires, fibre optique ou radio. Elles servent à transmettre les données à un PC de télégestion ou bien à faire communiquer les différents postes d’automatismes. Chez Festo, le même protocole OPC UA (United Architecture) de la fondation OPC est une trame commune à chaque module. Les postes locaux S510 et S530 de Sofrel possèdent ainsi une fonction « intersites » qui leur permettent de dialoguer. « Par exemple, lorsque le seuil de niveau bas est atteint, un réservoir va entrer en communication avec la station de pompage chargée de son remplissage. Un autre poste local se charge donc du process de pompage dans la station, avec éventuellement une temporisation pour favoriser la mise en action des moteurs pendant les tranches de tarification électrique les moins chers », explique Benoit Quinquenel, chez Lacroix-Sofrel. Même si la chaîne de commandement est ainsi automatisée, il est toutefois possible de se connecter à distance pour modifier un paramétrage ou actionner manuellement un moteur.

L’autre tendance notée par les fabricants est celle qui tend à faire grossir les équipements existants. L’idée est alors de toujours proposer des sous-ensembles indépendants mais de les assembler en modules, ce qui permet de procéder par étape au sein d’un même outil d’automatisme. Pour le traitement des eaux usées, Atlantique Industrie propose ainsi deux packs, le deuxième étant une évolution du premier. Le pack de base gère les défauts de l’équipement (basse pression, palpeur d’arrêt activé, blocage), envoie des alertes par SMS, ferme les vannes si besoin et compte les volumes d’eau. Le second est construit sur mesure. Selon le choix de l’exploitant, il intègre le contrôle des fuites du réseau en fonction du nombre d’équipements en fonctionnement ou des opérations effectuées à distance : consultation des états instantanés, modification des consignes d’exploitation y compris la fermeture des équipements en cas de problème. Ce deuxième pack propose aussi la visualisation à distance de la station se présente sous forme de synoptique animé, l’enregistrement des mesures et l’édition de graphiques (niveau, débit, pression, temps de marche des équipements) ou de bilans d’exploitation, de maintenance ou de consommation. C’est une avancée car les remontées d’informations ne sont pas le fort des automates industriels qui sont plus des calculateurs que des communicants. Cette évolution possible est aussi la philosophie de Mios dont la Miosbox® permet des changements entre 6 et 2400 entrées-sorties et des postes autonomes distants communicants en M2M.

Les avantages de ces sous-ensembles indépendants, isolés ou regroupés en modules, sont multiples. Relié aux outils de planification, un secteur d’un site peut être mis à disposition ou retiré selon le besoin. Le câblage est réduit limitant le risque de panne, comme les délais d’intervention qui sont raccourcis puisqu’ils se font à distance. Autre avantage, le besoin en énergie. Quelques fabricants d’automatismes en conçoivent sur batteries, parfois alimentées par panneaux solaires, mais la plupart du temps les modules sont reliés au réseau. Mais si chacun d’entre eux a besoin d’une alimentation électrique, l’ensemble ne doit pas forcément fonctionner tout le temps. Certains postes locaux sont ainsi mis à l’arrêt pendant que les autres travaillent. Autant de kilowattheures économisés.

Pour la même raison de découpage en sous-ensembles, les coûts de maintenance sont revus à la baisse. Et comme les technologies de communication évaluent très vite et deviennent rapidement obsolètes, il est préférable de séparer les routeurs, logiciels de communication et autres outils qui leur sont liés. De même, les postes locaux d’automatismes étant à proximité des lieux qu’ils gèrent, il y a moins besoin de personnels qui font des rondes de surveillance et repèrent des anomalies. En revanche, « la multiplication des centres d’automatismes incitent les exploitants à modifier leurs embauches, avertit Jean-Pierre Murzeau, directeur général d’Atlantique Industrie. Il faut plus de gens qualifiés. »

Enfin, dernier avantage et non des moindres, ces systèmes décentralisés fédèrent les sites techniques isolés ou répartis, ce qui permet non seulement d’améliorer la réactivité du service rendu aux usagers, mais aussi de mieux sécuriser un réseau d’eau potable, une station d’épuration ou la gestion de ses eaux industrielles.

Jacques-Olivier Baruch

 

Encadré :

Des automatismes pour stations de pompage

Le poste local S500 de Lacroix-Sofrel possède une fonction particulièrement adaptée à l’assainissement. Car même si le pilotage d’une pompe peut paraître évident, souvent une permutation à chaque démarrage, un nombre important de critères est à prendre en compte : nombre de pompes autorisées à fonctionner en parallèle, temps maximum de marche pour chaque pompe, temps entre un arrêt et une mise en marche, gestion des défauts pompes et capteurs, etc.
L’automatisme du poste est complètement écrit par la société. L’exploitant n’a qu’à renseigner les paramètres de sa station de pompage, ceux-ci étant accessibles en clair dans la configuration et ainsi facilement adaptables à chaque cas particulier. Des fonctions complémentaires comme la gestion des sur-débits permettent de concilier les impératifs de continuité de service et le respect des contraintes hydrauliques du réseau. Grâce à l’analyse permanente du niveau d’eau et du fonctionnement des pompes, le poste réalise un ensemble de calculs concernant les volumes et débits transitant par l’ouvrage : débit entrant, débit des pompes, volume pompé par le poste, ratio jour/nuit, etc. « Le débit des pompes est calculé par une méthode auto-adaptative qui a fait ses preuves sur le terrain, assure Benoît Quinquenel. Ce calcul permet d’anticiper les phénomènes de bouchage ou d’usure des pompes et constitue un outil pertinent de maintenance préventive. Le suivi du ratio jour/nuit permet d’évaluer les infiltrations d’eaux parasites dans le réseau. »

Mots clé : Technologies de l'environnement | Automatismes autonomes | Sous-ensembles | Objets connectés

2016-11-28, BARUCH Jacques Olivier, Technoscope